MOLLA (J.), "Sobibor", Gallimard Jeunesse, coll. "Folio", 2003 |
QUATRIÈME DE COUVERTURE
Emma est une jeune fille atteinte d'anorexie. Appréhendée dans un supermarché pour vol, elle ne peut qu'expliquer: "Je l'ai fait pour qu'on m'arrête."
Pourtant, Emma veut savoir, Emma veut comprendre. "Sobibor", ce nom, prononcé par sa grand-mère polonaise peu avant sa mort, lui apportera plus que de simples réponses.
Dans ce récit mettant en scène une adolescente aux prises avec des réalités qui la dépassent, Jean Molla revient sur un des épisodes les plus tragiques du siècle dernier.
Ce roman, au succès critique et populaire, a été récompensé par plus de dix prix littéraires et a été traduit en six langues.
LA PREMIÈRE IMPRESSION
Première partie: OK, on nous parle d'une jeune fille anorexique dont ce n'est apparemment pas le seul problème, ça m'intéresse, j'ai envie de savoir ce qui a fait qu'elle en est arrivée là et comment elle va faire pour s'en sortir (si elle s'en sort). De plus, "Sobibor", voilà qui est énigmatique, un nom bien mystérieux qui donne envie d'en savoir plus !
Deuxième partie: Waow, plus de dix prix littéraires, mais qu'est-ce que j'attends pour l'ouvrir, ce livre ?! Eh ben là, il y a un hic ! "[...] un des épisodes les plus tragiques du siècle dernier [...]". Oh non, dites-moi que ce n'est pas ce que je pense... pas encore la guerre, pitiéééé, on nous bassine avec ça depuis des années ! Depuis l'école primaire on reçoit des survivants qui témoignent, on visite des camps, on fait des travaux de recherche, on regarde des films... Franchement, je n'en peux plus, cette guerre, j'ai carrément l'impression de l'avoir vécue, tellement je la connais !
L'APRÈS LECTURE
Après avoir pris mon courage à deux mains (oui parce que là, j'avais compris le sens du terme "lecture obligatoire", je n'avais plus aucune envie de le lire, ce roman !)... eh bien, je dois avouer que j'ai plutôt aimé! Il ne faut pas rêver, ça ne sera jamais mon livre préféré, mais je l'ai lu jusqu'au bout, et avec plus de plaisir que ce que je pensais !
Je pense que ce qui a fait que je l'ai toléré (oui, voilà le mot), c'est la combinaison de deux histoires. Je ne dirais pas que le journal du fameux Jacques Desroches m'a vraiment émue (enfin, bien sûr qu'il m'a émue, on ne peut pas ne pas l'être quand on nous raconte des choses pareilles, sauf que je les avais déjà entendues des centaines de fois !), mais le fait de savoir que je le découvrais comme Emma l'avait découvert apportait un peu de piment... Et puis, il faut bien avouer qu'en se mettant à la place de Mamouchka, on ne peut être que perturbé(e) ! Est-ce que je serais partie, à sa place? Est-ce que je serais restée tout en feignant de ne pas savoir ce qui se passait à Sobibor, comme elle l'a fait? ...
En résumé, je vais citer un passage du texte de Jean Molla (qui se trouve à la fin du roman) et qui définit assez bien ce que j'ai ressenti à la fin de ma lecture, et ce pourquoi j'ai finalement lu avec plus d'intérêt que prévu :
"[...] Alors, un livre de plus sur les camps? entendra-t-on peut-être. On en a déjà tellement parlé... Ce n'est pas qu'un livre sur les camps, précisément. C'est un livre sur l'après. Sur la mémoire. Sur le mensonge. Sur cette lame de fond qui n'en finit pas d'avancer. Sur le silence. [...] Quel rapport entre les camps et l'anorexie? Aucun, évidemment. Seulement, il arrive parfois que la petite histoire croise les chemins de la grande histoire. Celle qui s'écrit, dit-on, avec un H majuscule. Au coeur des êtres comme au coeur du temps humain, des secrets que l'on s'efforce d'escamoter. Des abîmes de noirceur. Ce livre pour essayer de les dissiper."
LA COMPARAISON
LA COMPARAISON
MERLE (R.), "La mort est mon métier", Gallimard, coll. "Folio" |
Dès la lecture des premières lignes du journal de Jacques Desroches, j'ai pensé à un livre que j'avais dû lire pour l'école il y a quelques années, et qui m'avait particulièrement touchée et révoltée. Âmes sensibles, s'abstenir ! C'est "La mort est mon métier", de Robert Merle. Il s'agit d'une espèce de biographie de Rudolf Lang (qui s'appelait en fait Rudolf Hoess), le commandant du camp d'Auschwitz.
La quatrième de couverture:
"Le Reichsfürher Himmler bougea la tête, et le bas de son visage s'éclaira...
- Le Fürher, dit-il d'une voix nette, a ordonné la solution définitive du problème juif en Europe.
Il fit une pause et ajouta:
- Vous avez été choisi pour exécuter cette tâche.
Je le regardai. Il dit sèchement:
- Vous avez l'air effaré. Pourtant, l'idée d'en finir avec les Juifs n'est pas neuve.
- Nein, Herr Reichsfürher. Je suis seulement étonné que ce soit moi qu'on ait choisi..."
La quatrième de couverture:
"Le Reichsfürher Himmler bougea la tête, et le bas de son visage s'éclaira...
- Le Fürher, dit-il d'une voix nette, a ordonné la solution définitive du problème juif en Europe.
Il fit une pause et ajouta:
- Vous avez été choisi pour exécuter cette tâche.
Je le regardai. Il dit sèchement:
- Vous avez l'air effaré. Pourtant, l'idée d'en finir avec les Juifs n'est pas neuve.
- Nein, Herr Reichsfürher. Je suis seulement étonné que ce soit moi qu'on ait choisi..."
Bien sûr... je peux comprendre qu'une certaine lassitude se fasse sentir lorsqu'on parle des camps de concentration (pourtant je suis persuadée que ce matraquage n'est pas inutile, mais bon...). Ici, par contre, il ne s'agit pas de ça, enfin, pas "que" des camps de la mort, c'est un livre sur la trahison, le mensonge et le secret... mais encore sur la responsabilité et les arrangements que l'on peut faire avec son propre passé... Ce sont des thèmes universaux, qui dépassent tout cadre. Nous en reparlerons en classe.
RépondreSupprimerJ'apprécie la comparaison que tu fais (enfin, la référence), elle est tout à fait pertinente. Tu devrais peut-être la développer...
Il est certain que ce matraquage, comme vous dites, n'est pas inutile. Il est même très important ; nous devons nous souvenir et parler de cette horrible période afin que plus jamais une telle chose se produise, mais oui, je suis maintenant lassée. Au fil des ans et des écoles, j'ai visité Auschwitz, Breendonck, ai rencontré des victimes, des enfants et petits-enfants de victimes, ai rédigé des critiques de livres sur le sujet,... Bref, j'en ai trop entendu parler. Mais j'avais évidemment bien compris qu'il ne s'agissait pas que de ça dans ce roman, c'est pourquoi je l'ai apprécié. Je pensais l'avoir expliqué ici, mais je recommencerai, si ce n'est pas le cas. :)
RépondreSupprimerCette lassitude dont tu parles, Céline, peut en effet apparaître... J'ai moi-même travaillé sur le sujet pendant une année entière (lors de mon mémoire) et j'aspire à d'autres lectures, ou à d'autres points de vue sur ce thème. C'est ce que je pense avoir trouvé avec "Sobibor".
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec vous : il faut en parler, c'est évident, mais peut-être davantage par des romans comme "Sobibor", qui nous permettent (enfin) de moins ressentir cette lassitude...
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